Coordination Nationale de la Finance Inclusive

La Finance Bleue et l’Économie Bleue : Perspectives pour Madagascar

L’Économie Bleue

       Madagascar a défini son économe économie bleue comme étant l’exploitation de tous les plans d’eau maritime et continentale et de leurs ressources pour une croissance économique tout en préservant les écosystèmes. De ce fait, elle inclut entre autres la pêche, l’aquaculture, le tourisme côtier et maritime, le transport maritime, et les ressources biologiques et non biologiques. Plus récemment, des secteurs émergents tels que l’énergie marine renouvelable, la biotechnologie marine, et la désalinisation de l’eau de mer ont également été intégrés dans l’économie bleue.

       En 2020, l’économie bleue représentait, selon la Banque Mondiale, environ 3 % du PIB mondial, avec une valeur estimée à plus de 3 000 milliards de dollars par an. Le secteur du transport maritime, par exemple, assure environ 80 % du commerce mondial en volume, tandis que le tourisme côtier et maritime génère des revenus annuels de 390 milliards de dollars. En 2020, la production mondiale de pêche et d’aquaculture a atteint 179 millions de tonnes, générant environ 406 milliards de dollars de revenus. Les énergies renouvelables marines, comme l’éolien offshore, sont en forte croissance, avec des investissements atteignant 31 milliards de dollars en 2020.

Avec les valeurs générées par le transport maritime, l’économie bleue mondiale est estimée globalement à environ 2,5 trillions de dollars par an.

     Madagascar possède un littoral de 5603 km, une Zone Économique Exclusive (ZEE) de 1,14 million de km², 256 îlots, plus de 9000 km de cours d’eau, des lacs et des écosystèmes naturels exceptionnels avec plus de 392 000 ha de mangroves soit 20% de la couverture de mangroves en Afrique, un système de récif corallien de 2 230 km² soit le 5% des récifs coralliens mondiaux et diverses espèces endémiques. L’économie bleue est cruciale pour Madagascar en raison de la dépendance significative de sa population envers les ressources marines pour la subsistance, la sécurité alimentaire et l’emploi.

       Le secteur de la pêche représente environ 7% du PIB de Madagascar. En 2021, la production halieutique a été estimée à environ 130 000 tonnes, avec une majorité provenant de la petite pêche. En outre, Madagascar abrite une biodiversité marine exceptionnelle, avec 14 400 km² d’aires marines protégées. La conservation de ces ressources est essentielle pour le développement durable du pays. Pour ce qui est du tourisme côtier et maritime, il représente une part significative des revenus touristiques du pays. En 2019, Madagascar a accueilli environ 375 000 touristes internationaux, générant des revenus de 826 millions de dollars. Par ailleurs, Madagascar possède dix-sept ports classés en Ports d’Intérêt National (PIN) et Ports d’Intérêt Régional (PIR), avec les Ports d’Intérêt National gérés soit de manière autonome sous l’appellation de “Ports à Gestion Autonome” (PGA), soit par concession globale sous le nom de “Ports à Concession Globale” (PCG).

      

        Cependant, Madagascar est confronté à des défis majeurs, notamment la dégradation accélérée des habitats marins, la surpêche intensive qui menace les stocks halieutiques, et les effets dévastateurs du changement climatique sur les écosystèmes côtiers et marins. De plus, la pollution marine due aux activités industrielles et domestiques, ainsi que le manque de financement et de technologie pour la gestion durable des ressources marines, exacerbent ces problèmes. Par ailleurs, la gouvernance nécessite des renforcements institutionnels pour une meilleure coordination et une mise en œuvre efficace des politiques environnementales.

       La gestion des ressources naturelles à Madagascar est confrontée à de nombreux défis. Un manque de coordination et une législation désarticulée entravent l’efficacité des efforts de conservation. La surpêche et la déforestation exacerbent la dégradation des écosystèmes, tandis que les pressions démographiques sur les régions côtières aggravent la situation. La gestion durable des ressources halieutiques est cruciale pour préserver les stocks de poissons, mais elle est souvent compromise par des pratiques non réglementées. De plus, la régulation des migrations vers les côtes est nécessaire pour éviter une surexploitation des ressources. La protection des écosystèmes marins et côtiers est primordiale pour maintenir la biodiversité, mais elle est constamment menacée par les impacts du changement climatique, qui altèrent les habitats naturels et la disponibilité des ressources.

       Il existe, cependant, des opportunités de développement durable par le biais de l’aquaculture, de la gestion intégrée des zones côtières et de la promotion du tourisme durable. Le Gouvernement malagasy, avec l’appui de partenaires internationaux, travaille à la mise en œuvre de stratégies pour une économie bleue durable.

       Depuis 2023, Madagascar s’est doté d’une stratégie nationale de l’économie bleue accompagné par un plan national d’investissement. La Stratégie Nationale de l’Économie Bleue de Madagascar fait face à plusieurs défis majeurs. La structuration de la mise en œuvre de l’économie bleue est essentielle, mais elle est entravée par une connaissance limitée du potentiel bleu du pays. La comptabilité des activités et composantes de l’économie bleue manque de rigueur, rendant difficile une évaluation précise. Une approche intégrée et prospective des écosystèmes marins, ainsi que l’utilisation d’outils de gestion spatio-temporelle, sont nécessaires pour une gestion efficace. La création de valeur ajoutée à partir des ressources marines demeure insuffisante, et le contexte nutritionnel doit être amélioré pour mieux profiter des bénéfices de l’économie bleue. Enfin, les moyens de mise en œuvre sont souvent limités, nécessitant un renforcement des capacités et des ressources pour atteindre les objectifs fixés.

La Finance Bleue

       La finance bleue se réfère aux investissements et aux instruments financiers dédiés à la promotion d’une économie bleue durable. Cela inclut les instruments financiers tels que les obligations bleues, des titres de créance émis pour financer des projets qui bénéficient aux océans et aux zones côtières ; les prêts à impact à des conditions favorables pour des initiatives de conservation marine ou de développement durable en milieu côtier ; et les Fonds d’investissement spécialisés dans les entreprises et projets innovants dans le domaine de la biotechnologie marine, des énergies renouvelables océaniques, et bien d’autres.

       Dans la stratégie SNEB, il a été stipulé dans son axe 1, et programme 1.5, la nécessité d’identifier et de mettre en place un mécanisme de financement durable pour la mise en œuvre de la stratégie. Le financement de la mise en œuvre de l’Économie Bleue (EB) doit être envisagé dès la définition de son champ d’application. Les solutions financières “Bleues” sont variées : elles incluent le financement sur fonds propres, l’émission d’obligations vertes ou bleues, l’échange ou l’annulation de dette contre des investissements bleus, ainsi que l’aide internationale sous forme de dons ou de prêts pour des initiatives nationales et régionales. Il est également crucial d’améliorer le système de redevance des accords de pêche pour mieux orienter les fonds vers le secteur de la pêche, et d’explorer des options comme les crédits carbones.

Des exemples réussis, tels que les Blue Bonds aux Seychelles, peuvent inspirer des stratégies attirant les investisseurs institutionnels à long terme.      

Chaque instrument financier doit être soigneusement étudié pour s’assurer de sa pertinence et de son accessibilité pour Madagascar. En outre, le pays peut tirer parti de sa participation à des projets régionaux tels qu’EcoFish ou SWIOFISH pour instaurer les processus nécessaires, y compris ceux garantissant la durabilité financière des activités de l’EB.      

Les Seychelles ont émis la première obligation bleue souveraine en 2018, levant 15 millions de dollars pour financer des projets de pêche durable et de protection marine.

Pour les Fonds de Conservation, le Blue Natural Capital Financing Facility (BNCFF) rapporte avoir soutenu,  selon son rapport annuel de 2021, des projets de conservation marine avec un potentiel de rentabilité, attirant des investissements privés.

       À Madagascar, la finance bleue est encore en phase de développement, mais elle présente un potentiel énorme pour soutenir les initiatives de conservation et de développement durable. Le pays a commencé à explorer les opportunités d’émission d’obligations bleues pour financer des projets marins, en partenariat avec des organisations internationales comme le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et la Banque mondiale. Développer des produits d’assurance pour les infrastructures côtières et les communautés locales pour les protéger contre les risques climatiques fait partie également des initiatives à impact positif pour la promotion de la finance bleue à Madagascar.

       En finançant des projets d’adaptation au changement climatique, la finance bleue pourrait renforcer la résilience des communautés côtières de Madagascar. Ainsi, des Projets de Conservation sont mis en place. Il s’agit d’initiatives comme le projet SWIOFish, financé par la Banque mondiale, visant à améliorer la gestion des pêcheries et la conservation des ressources marines dans le sud-ouest de l’océan Indien, y compris à Madagascar. Mais la collaboration entre le secteur public et les investisseurs privés reste essentielle  pour mobiliser des financements pour la conservation marine et le développement durable.

La Finance Bleue dans le Paysage Financier Malagasy

       Madagascar a commencé à explorer des instruments de finance bleue pour soutenir son économie bleue. En 2023, la Banque Mondiale et d’autres partenaires ont lancé des projets pilotes d’obligations bleues pour financer la conservation des mangroves et la restauration des récifs coralliens. De plus, des initiatives locales de microfinance visent à soutenir les communautés côtières dans des projets de pêche durable et de tourisme écologique.

       En intégrant la finance bleue dans la Stratégie Nationale d’Inclusion financière (SNIM), Madagascar peut attirer des investissements privés et des financements internationaux dédiés à des projets durables. Des partenariats entre le Gouvernement, les ONG, et le secteur privé pourraient mobiliser des fonds pour des initiatives de finance bleue.

        Les obligations bleues, par exemple, sont des instruments financiers qui permettent de lever des fonds pour des projets ayant un impact positif sur les océans. Ces financements peuvent être utilisés pour des projets tels que la restauration des mangroves, le développement de l’aquaculture durable et la protection des zones marines protégées.

       Pour que la finance bleue soit efficace, il est essentiel de renforcer les capacités des institutions nationales à gérer et à surveiller les initiatives de finance bleue. Cela inclut la formation des décideurs politiques, la mise en place de cadres réglementaires appropriés et le développement de mécanismes de suivi et d’évaluation. Une bonne gouvernance et une transparence accrue encourageront la confiance des investisseurs et garantiront que les fonds sont utilisés de manière efficace et équitable.

       La finance bleue et l’économie bleue offrent des opportunités significatives pour un développement économique durable à l’échelle mondiale et pour Madagascar en particulier. En mobilisant des fonds pour des projets innovants et durables, Madagascar peut tirer parti de ses vastes ressources marines pour améliorer les moyens de subsistance de ses populations côtières, protéger ses écosystèmes marins et renforcer sa résilience face aux défis climatiques. Il est crucial que le Gouvernement, le secteur privé et les communautés locales collaborent pour maximiser les bénéfices de la finance bleue et assurer un avenir prospère et durable pour le peuple malagasy. En exploitant ces ressources de manière responsable et en investissant dans des projets innovants, Madagascar peut non seulement améliorer son économie mais aussi contribuer à la protection des océans à l’échelle mondiale.