Éducation financière à Madagascar : le parcours d’une femme entrepreneure

Joëline Ranaivoarivololona, mère célibataire de 49 ans, est entrepreneuse de couture à Madagascar.Elle a commencé à faire de petits travaux de broderie lorsqu’elle a été forcée de quitter le lycée en 1996. La même année, Joëline a obtenu son premier poste officiel de contrôleur qualité dans une usinetextile locale, gagnant 27 200 ariary malgache (environ 6 euros) par mois. Ayant fait ses preuves, elle est par la suite promue agent de méthode, soutenant les activités quotidiennes de production de l’entreprise pour un salaire mensuel de 150 000 Ariary malgache (32 euros). Mais le rythme et les conditions de travail difficiles à l’usine ont amené Joëline à envisager de créer sa propre entreprise de couture. Cependant, à l’époque, elle manquait de financement, de savoir-faire en entreprenariat et de confiance nécessaires pour poursuivre son rêve. C’est alors qu’elle a entendu parler pour la première fois de l’Agence de Crédit aux Entreprises Privées (ACEP) Madagascar.

Lancée il y a une dizaine d’années, ACEP Madagascar est une institution de microfinance spécialisée dans le financement des petites entreprises urbaines dans les communautés exclues du système bancaire traditionnel. Joëline a commencé par un prêt personnel ACEP de 300 000 Ariary malgache (65 euros) pour un crédit à la consommation, mettant son équipement ménager en garantie.

La fermeture de l’usine textile où elle travaillait, combiné au soutien de l’ACEP, ont finalement donné à Joëline la motivation de monter sa petite entreprise de couture. En s’associant avec sa sœur, elle a investi ses économies dans une machine à coudre industrielle d’occasion et, ensemble, elles ont commencé à produire des leggings et des chemises pour filles à vendre au marché hebdomadaire de la capitale. Après des résultats de vente timides, Joëline a depuis fait son chemin et acquis deux autres machines à coudre via un nouveau prêt de l’ACEP.


    Le programme FINEDUC : Une opportunité pour Joëline

Convaincue de l’importance de l’éducation financière tant pour l’institution que pour ses clients, ACEP Madagascar a lancé le programme FINEDUC (« Financial Education ») en 2016 – une série de formations gratuites en éducation financière pour les micros et petites entreprises clientes. La formation s’est étendue sur quinze mois et a couvert divers sujets dont l’éducation financière, la comptabilité, la gestion et la planification d’entreprise, ainsi que des conseils sur le processus de formalisation d’entreprise.

« Les bénéficiaires de FINEDUC ont vu leurs activités fleurir. Nous avons constaté qu’ils ont retrouvé ou acquis confiance en eux et développé leur esprit d’entreprise. Ils osent désormais prendre des risques dans leurs activités commerciales », a partagé Mahefa Edouard Randriamiarisoa, directeur général d’ACEP Madagascar.

Joëline était l’une des cinquante bénéficiaires du programme. « Avec FINEDUC, j’ai appris beaucoup de choses sur la gestion de ma petite entreprise. J’ai pu développer et étendre mes activités et j’ai même embauché deux employés pour pouvoir répondre aux commandes des clients. J’ai repris confiance », a-telle expliqué.


    Programmes d’éducation financière à Madagascar

Supervisées par le Ministère de l’Économie et des Finances, les initiatives d’éducation financière du pays sont mises en œuvre par des acteurs répartis en trois niveaux, à savoir macro (ministères et banque centrale du pays, Banky Foiben’i Madagascar), mezzo (groupe de travail sur l’éducation financière composé de ministères concernés, la banque centrale, les associations professionnelles, les institutions financières numériques et les acteurs de l’éducation financière) et micro (les bénéficiaires finaux).

Madagascar a commencé son parcours d’éducation financière en 2012 en partenariat avec l’Association Professionnelle des Institutions de Microfinance (APIMF) et le Groupe Consultatif d’Assistance aux Pauvres (CGAP). Les initiatives d’éducation financière pour les enfants, les jeunes et les adultes dans les zones urbaines et rurales se sont développées à travers le pays.

Ces initiatives ont gagné du terrain au cours de la dernière décennie. En 2016, Madagascar a participé pour la première fois à la Global Money Week (GMW). Les activités GMW dans le pays ont depuis touché directement près de 50 000 enfants et jeunes, et jusqu’à trois millions indirectement dans les écoles et les universités du pays. Grâce à ses efforts enthousiastes, Madagascar a également atteint la finale des Global Inclusion Awards 2017 et a remporté le premier prix des Child and Youth Finance International Country Award 2018 pour l’Afrique


    Développement du programme national d’éducation financière de Madagascar

Inclusion financière et éducation financière vont de pair. Ainsi, le plan d’action de la Stratégie Nationale d’Inclusion Financière 2018-2022 a prévu avant tout l’intégration de l’éducation financière dans le cursus scolaire national. La première phase, toujours en cours, a débuté en 2020 dans une centaine d’écoles à travers le pays.

Suite logique à la coordination active d’activités au fil des ans, Madagascar lancera cette année un programme d’éducation financière a échelle nationale. Ce processus s’est lancé sur base de recommandations faites dans l’étude diagnostique nationale 2019 sur l’état de l’éducation financière. Madagascar a commencé l’élaboration du Cadre/Document de Stratégie d’Éducation Financière de Madagascar (2021) et du Programme National d’Éducation Financière de Madagascar (2022), qui sont tous deux inspirés du Toolkit Stratégie Nationale d’Education Financière produit par les institutions membres de l’AFI en 2021. La publication et la mise en œuvre de ces nouveaux documents devraient être achevées d’ici 2027.


    De la stratégie aux bénéficiaires

L’élaboration de stratégies d’éducation financière bien informées et leur alignement efficace sur les activités du marché sont essentiels pour tirer parti des synergies mutuellement bénéfiques entre l’offre et la demande, en particulier en temps de crise.

« La crise du COVID-19 a fait chuter le chiffre d’affaires d’un million (environ 227 euros) à 200 000 ariary malgache (45 euros) par semaine. FINEDUC m’a appris à prendre des risques calculés dans mes prises de décision. J’ai investi dans l’élevage de 100 poules pour diversifier mes activités, et j’envisage également de produire du savon artisanal après avoir récemment suivi une formation en fabrication de savon », a-t-elle expliqué.

La collaboration de Joëline avec le prestataire de services financiers et d’éducation financière ACEP Madagascar a permis à son entreprise de se développer. Mais elle fournit également des commentaires réguliers en tant que cliente, ayant récemment recommandé l’introduction de taux de crédit plus avantageux pour les clients fidèles d’ACEP afin de permettre aux entrepreneurs de mieux se préparer et de réagir aux défis inattendus comme la pandémie de COVID-19.

« Il ne faut jamais se décourager dans ce que l’on entreprend, avoir de la persévérance et se fixer un ou plusieurs objectifs. Pour l’instant, j’ai hérité d’une maison, mais mon plus grand objectif est de pouvoir construire ma propre maison et je suis convaincue que j’y arriverai », a déclaré Joëline en souriant.

Le Toolkit Stratégie Nationale d’Education Financière de l’AFI (2021) et Note d’Orientationcomplémentaire fournissent des étapes pratiques, des conseils, des exemples et des checklist pour guider les principales parties prenantes à travers les quatre étapes de la création d’une stratégie nationale d’éducation financière : pré-formulation, formulation, mise en œuvre, suivi et évaluation.

Par Hery Njaka Rakotoarimanana, Inspecteur du Trésor et Solofo Rakotomavo, Responsable Cellule Information et Communication au sein de la Coordination Nationale de la Finance, Direction Générale du Trésor, Ministère de l’Economie et des Finances, Madagascar.